Même si tout nous laissait croire à un printemps hâtif, forcé d’admettre que c’est loin d’être le cas. Avec un hiver qui en fait, n’en n’était pas un, il était légitime de penser que nous aurions droit à un printemps hâtif. La réalité, c’est que depuis que le printemps est arrivé, l’hiver ne veut plu s’en aller.
Un printemps pas comme les autres
C’est vrai que la plupart des lacs dans la partie sud du Québec sont sur le point de « callé » si ce n’est pas déjà fait. Par contre, il fait toujours froid, il neige, il pleut et quand le soleil se pointe le bout du nez, il vient accompagner d’un front froid et des vents du nord. La question qu’il faut alors se poser en tant que pêcheur c’est : Quelles sont les conséquences de ce genre de conditions sur nos plans d’eau et comment réagissent nos poissons face à cette particularité saisonnière?
Cette question qui semble assez simple à la base, peut devenir asse complexe à répondre. C’est que chaque plan est différent. La situation géographique de chacun, fait en sorte que certains se libèrent plus rapidement de leur couvert de glace que d’autres. De plus, dans une même région, les petits plans d’eau auront tendance à se réchauffer beaucoup plus vite que ceux qui possède de grandes profondeurs. Certains grands plans d’eau ont parfois de grands plateaux à faible profondeur où l’eau, une fois chauffé au soleil, réchauffera plus vite que sa partie profonde.
Aussi, le type de tributaires y joue pour beaucoup dans le processus de réchauffement. Les rivières qui parcourent les champs, nourrissent les plans d’eau, d’une eau beaucoup plus chaude que celles qui parcourent les terres boisées. La limpidité (la teinte) est un autre facteur important qui contribue au réchauffement plus rapide d’un lac ou d’une rivière. Étant donné que toutes les microparticules de l’eau absorbent l’énergie du soleil, ces impuretés contribuent par le fait même, à réchauffer son environnement. Donc plus une eau est teintée, plus elle réchauffera rapidement.
Mon plan de match
Si j’accorde tant d’importance à ce phénomène qu’est le réchauffement de l’eau, c’est que c’est mon critère numéro un dans ma recherche de secteur à haut potentiel pour la pêche printanière. Toute forme de vie dans une étendu d’eau, s’activera beaucoup plus rapidement si elle est dans une partie d’un plan d’eau où l’eau réchauffe plus vite. Toute la chaîne alimentaire emboîte le pas, à commencer par le plancton, insecte aquatiques, menés et pour finir, le prédateur pour lequel on pêche. Je ne dis pas que toute la population de poissons d’un lac, par exemple, se retrouvera dans un secteur bien précis où l’eau est plus chaude. Ce que je dis par contre, c’est que les poissons qui se retrouvent dans un secteur où l’eau est plus chaude, seront beaucoup plus actifs que les poissons présents dans d’autres secteurs de ce même plan d’eau où l’eau est plus froide.
Donc, quel que soit l’espèce, quel que soit le plan d’eau, la première chose que je fais, c’est identifier sur une carte tout ce qui se rapproche des critères mentionnés plus haut. Évidemment, plus il y a de facteurs combinés, (ex: plateau peu profond coupé où se jette un tributaire avec une eau plus teinté), meilleures sont mes chances. Ça, c’est mon plan de match pour la pêche printanière et ça fonctionne très bien… dans le meilleur des mondes!
S’adapter aux conditions
Mais qu’en est-il avec des conditions printanières comme nous avons présentement? Pour l’avoir vécu la semaine dernière, on est aux antipodes des conditions mentionnées précédemment. Lors de ma première sortie de pêche en bateau cette année, je suis allé pêcher la ouananiche dans un secteur du Lac Champlain (côté US) que je connais très bien. Le lac était callé il y a déjà quelques semaines et je m’attendais à ce que la température de l’eau soit déjà dans les 40 degré Fahrenheit et plus. Avec la pluie des derniers jours, je pensais bien trouver des secteurs plus propices (où l’eau est plus teintée et chaude). Au Lac Champlain, de par sa situation géographique, le printemps arrive un peu plus rapidement qu’ici au Québec.
Même si en partant d’ici il faisait tempête de neige, je savais bien qu’une fois rendu chez nos voisin américains, la température serait plus clémente et qu’on aurait droit à une faible pluie passagère. En tout cas, c’étais les prévisions météo annoncées. Pour une fois, pas de mauvaise surprise côté météo mis à part la neige qui est restée présente en début de journée. En arrivant aux abords du lac, je m’attendais toutefois à voir un niveau d’eau beaucoup plus haut dû aux précipitations des dernières semaines. Même que je trouvais que l’eau était beaucoup plus claire que je me l’étais imaginé.
Donc je mets mon embarcation à l’eau, allume mes unités Garmin et première chose que je fais, je regarde la température de l’eau affiché à l’écran : Ishhh…35 degrés! « Ouain, ça ne sera pas facile » dis-je à mon ami PL. On part faire le premier secteur : un plateau de sable. Habituellement l’eau est teinté et plus chaude. Je regarde mon sonar, toujours 35 degrés et l’eau est claire… Je décide alors de m’éloigner du plateau et de faire le bord de la « drop » question de voir s’il n’y aurait pas de bancs de poissons-appâts : désert, rien à l’écran.
On passe donc au plan B. Comme il n’y a pas de différence entre l’eau du plateau et le reste du lac, le poisson peut être vraiment n’importe où et surtout à n’importe laquelle des profondeurs. Je réalise dès lors qu’on a plus affaire à des conditions de pêche hivernales que de pêche printanière. On décide donc de sortir nos cannes à mouches avec soies calantes pour mettre nos lignes à différentes profondeurs. L’idée est de couvrir le premier 20 pieds de la colonne d’eau afin de se donner le plus de chance possible.
En eau froide, le poisson est en surface?
Je vais me permettre ici d’ouvrir une parenthèse. Je ne sais pas d’où vient la populaire pensée magique qui dit qu’il faut pêcher en surface quand l’eau est froide? Pour avoir pêché en bateau l’hiver sur le Memphrémagog pendant quelques décennies, je peux vous assurer que c’est parfois le contraire qui se passe. En quoi, le fait que l’eau est froide, oblige un poisson à évoluer en surface? Si ça se trouve, tant que la température de surface ne dépasse pas les 39 degrés Fahrenheit, l’eau du fond du lac sera plus chaude que l’eau de surface. Et oui, il y a une couche d’eau plus chaude à 39 degrés qui tapisse le fond des lacs profonds en hiver. Vous ne me croyez pas, c’est scientifiquement prouvé. Vous ne croyez pas les scientifiques, Prenez un thermomètre portatif, genre Fish Hawk, et descendez-le au fond de votre lac favori l’hiver prochain, vous serez surpris du résultat. Faites-le en début de saison de pêche hivernale, puis refaite le même test au même endroit en milieu d’hiver et en fin d’hiver. Vous remarquerez que cette couche d’eau à 39 degrés se retrouve encore plus profondément. C’est pour cette même raison que les pêcheurs sur glace, doivent s’ajuster en pêchant plus profondément quand la période de grands froids arrive habituellement en février. Pour un poisson, évoluer dans une eau à 39 degrés au lieu de 35 ou même 32, ça fait toute la différence au monde.
En résumé, tant que l’eau de surface n’a pas dépassé 39, il n’y a rien qui poussera un poisson à se déplacer dans une température d’eau qui est encore plus éloignée de sa température préférentielle à lui…sauf si sa nourriture se retrouve en surface!
Plus rien à perdre
Pour revenir à notre fameuse ouananiche, avec les conditions auxquelles on a à faire face, ça devient maintenant beaucoup plus compliqué de les trouver. Le Lac Champlain est un plan d’eau immense et parfois, les secteurs sont tellement grands que ça peut prendre 2 heures pour faire une seule passe de traîne. Réaliser que notre ouananiche peut être n’importe où et à n’importe quelle profondeur, ça nous fait prendre conscience que ça va être encore plus difficile. C’est fou à quel point on peut perdre son temps à faire de la prospection sur des plans d’eau de cette envergure. Alors tant qu’à pêcher n’importe où et n’importe comment, je décide de passer au plan C.
Le plan C, c’est de laisser tomber la ouananiche et d’aller faire plutôt quelques structures rocailleuses pour la truite brune. Même si la température de l’eau n’est pas plus chaude pour autant dans le troisième secteur de pêche, la brune est plus un poisson porté à se tenir collé aux structures que la ouananiche. Avec une moitié de journée passée à pêcher dans le néant et n’ayant eu aucune touches, nous n’avions plus grand-chose à perdre de toute façon.
Je me suis donc diriger vers un autre secteur où j’avais eu, par le passé, beaucoup de succès à la truite brune. Comme on dit, ça change le mal de place. Comme j’aime bien pêcher en frôlant les berges et pointes rocailleuses à la truite brune, ça devient une pêche plus active car on doit toujours être en alerte pour ne pas accrocher le fond avec le pied du moteur. Disons que ça aide se garder réveillé après avoir passé plusieurs heures tranquilles.
Étant donné que les conditions (et ma demi-journée jusque-là médiocre) me porte à croire que le poisson est vraiment au ralenti et probablement inactif, je me conditionne à rester concentré et oublier l’insuccès que nous vivons pour cette première sortie de pêche en bateau de l’année. Je ne sais pas si c’est mon orgueil de pêcheur ou tout simplement que je suis du genre assez perspicace et entêté mais je passe mon temps à me dire dans ma tête, que ce n’est pas vrai que je vais abandonner et « skunké » à ma première sortie. Il me semble que ça commencerait mal une saison…
Au même moment où j’ai cette réflexion, le vent se lève et le soleil se pointe le bout du nez entre les nuages. « Ça va peut-être aider notre cause! » que je lance d’un air à moitié découragé à PL. « Si ça peut les réveiller un peu, on va peut-être avoir un peu d’action loll ». Et puis « Bang », quelques minutes plus tard, une de mes deux lignes se met à dérouler (on peut pêcher à 2 lignes en toute légalité dans le Lac Champlain côté US). Cette fois-ci, ce n’est pas le fond. Je n’en ai pas fait mention mais on s’était fait quelques peurs auparavant à vouloir faire évoluer nos leurres trop près de la structure.
Ouf, elle est vraiment engourdie. Le combat me porte à croire que c’est une brune mais à l’approche du bateau, surprise: c’est une ouananiche! On est loin du combat typique de la ouananiche qui déroule en fou et qui se met à sauter partout à la surface de l’eau. Je suis content car je testais l’efficacité d’un nouveau Crystal Minnow que j’avais mis en compétition avec nos fameux « Gasparov » avec lesquels on avait eu tant de succès les années antérieures. En passant, ne cherchez pas de « Gasparov » chez votre détaillant du coin, aucun leurre ne porte ce nom. C’est le surnom qu’on a donné à un leurre qu’on utilise depuis plusieurs années à cause de sa ressemblance au gaspareau. Il représente très fidèlement le profil plus large du gaspareau en comparaison au profil plus mince de l’éperlan. Au Lac Champlain, le gaspareau a pratiquement remplacé l’éperlan dans la diète des salmonidés.
Mini Pin’s vs Gasparov
Disons que cette première capture, même si ce n’était pas un monstre, faisait du bien au moral. Au moins, on n’était pas pour « skunké »! Avec le peu d’ardeur au combat de notre ouananiche, je me suis dit que pêcher avec un plus petit leurre et encore plus éloigné derrière le bateau avec ma deuxième ligne, pourrait peut-être aider ma cause d’avantage. De plus, avec le brassage d’eau et les quelques éclaircies que l’on avait maintenant, je me suis dit que mettre le plus petit des Pin’s Minnow de couleur vert métallique à flancs dorés et ventre orange, augmenterait mes chances. Parfois, quand l’eau est très froide, on a intérêt à présenter un leurre plus petit que le poisson-appât présent dans le plan d’eau. Avec le métabolisme au ralenti, les poissons ont tendance à avoir de la difficulté à prendre des leurres de plus gros format.
Ce changement de tactique fut la bonne décision faut croire, car la plupart des autres attaques furent sur mon fameux petit Pin’s. J’ai quand même gardé mon Crystal Minnow sur ma première canne, question de me prouver à moi-même que j’avais vraiment fait le bon choix. Plusieurs personnes auraient été tentées de mettre un deuxième Crystal Minnow sur la deuxième canne mais le passé m’a appris qu’il faut se faire confiance et y aller avec logique. Ma logique est simple : j’ai mis plus petit parce que mon expérience m’a prouvé à maintes reprises qu’un poisson en eau très froide à plus de facilité à prendre un leurre de plus petite dimension et aussi, j’ai choisi d’y aller avec un fini de leurre métallique pour l’éclat additionnel causé par le soleil et un ventre orange pour aider la ouananiche à localiser le leurre au travers du brassage d’eau créé par la vague (c’était une ligne en surface!).
Une première sortie réussie
Nous nous sommes alors concentrés à faire ce secteur maintenant productif et avons réussi à prendre un total de 12 ouananiches de longueur qu’on pourrait qualifier de légales, ici au Canada. Pour le Champlain, ce n’est rien d’extraordinaire. il y a une qualité de pêche exceptionnelle là-bas. N’empêche que considérant les conditions et notre journée jusque-là très médiocre, cette pêche était plus que satisfaisante.
Est-ce que c’est la mortalité chez les gaspareaux à ce temps-ci, qui expliquerai le fait que nos ouananiches chassaient en surface? Je ne saurais dire. Ce qui est certain c’est qu’on pêchait sur une structure balayée par le vent et que nous n’étions pas les seuls en « chasse ». À l’occasion, on y voyait des goélands qui venaient chercher des poissons-appâts agonisants à la surface. Évidemment, ne pas avoir eu de plan B et C, on aurait passé une très longue journée à la neige et à la pluie. Comme quoi, le meilleur outil du pêcheur demeure sa tête! Et pour ce qui est du leurre, même si c’est le dernier critère à tenir compte dans la présentation, n’en reste que cette journée-là, mon ami PL ne l’avouera peut-être pas, mais je penses qu’il m’aurait bien échangé mon petit Pin’s Minnow contre le meilleur de ses Gasparov!
😉