Vive le printemps! La neige fond, les pelouses commencent déjà à verdir et, contrairement à l’année passée, la saison 2016 quant à elle, commence de façon plus hâtive. La bonne nouvelle est que, pour certains d’entre nous, les plus motivés de tous, c’est l’occasion rêvée de sortir nos bateaux et faire quelques sorties en eau libre (là où c’est permis) avant que la saison de pêche d’hiver finisse le 31 mars. Pour d’autres, il y a toujours l’option d’aller faire un tour au Lac Champlain côté US pour se dérouiller un peu après une bien étrange saison hivernale. Peu importe, l’important c’est que l’on peut sortir notre bateau et c’est ça qui compte.
Même si c’est toujours avec enthousiasme que je me présente aux événements de grande envergure tels que le Salon du Bateau et le Salon Expert Chasse-Pêche de Montréal, c’est quand je m’apprête à sortir mon bateau que je me sens vraiment renouer avec ma passion, la pêche sportive. C’est certain que j’ai toujours beaucoup de plaisir à participer à ces événements car c’est l’occasion idéale de voir les nouveautés 2016 dans le domaine de la pêche sportive mais aussi de revoir les professionnels du monde de la pêche au Québec. La saison est courte pour un guide de pêche et j’ai rarement l’occasion de côtoyer d’autres guides qui ciblent d’autres espèces de poissons et qui évoluent sur d’autres plans d’eau. Avec les années, je me suis fait de nouveaux amis dans le domaine et c’est toujours plaisant de prendre de leurs nouvelles.
Je ne suis pas un vieux de la vieille et ça ne fait pas 15 ans que je fais ce type d’événement de grande envergure mais s’il y a quelque chose que j’ai remarqué à échanger avec les gens, c’est à quel point ils ont souvent tendance à avoir des idées préconçues sur certaines choses qu’ils connaissent moins. Je ne sais pas pourquoi mais contrairement au domaine automobile où ils reconnaissent les différentes qualités, quand vient le temps de choisir un bateau, les gens ont tendance à les voir comme s’ils étaient tous fabriqués de la même façon et qu’en bout de ligne, ce n’est que le prix qui compte. Je pourrais en parler longtemps mais arrêtez de vous exciter tout de suite, ce n’est pas aujourd’hui que je vais je me lâcher lousse sur ce sujet délicat. Je vais donc garder ça pour une autre chronique, le jour où je me lèverai du mauvais pied et que j’aurai envie de chialer.
À la place, je vais vous parler d’un genre de bateau qui gagne à être connu d’avantage : le « Tiller Boat ». J’en utilise un personnellement et je dois avouer que ce type d’embarcation semble encore assez méconnu des gens. En tout cas, c’est la conclusion que j’en tire auprès de la plupart de mes clients qui, à la première vue de mon embarcation me disent : « Ah ouain, t’as pas de volant! ». Comme si pour être considéré comme un bateau, que ce dernier se devait obligatoirement d’avoir un volant. On m’a même déjà dit (de source sûre) qu’un autre « guide » du Memphrémagog se permettait de dire à des clients potentiels que je guidais dans une chaloupe et lui dans un vrai bateau! Loll Comme s’il fallait juger de l’expérience d’un guide par la grosseur du bateau…Sur le coup je dois avouer que j’étais insulté mais par la suite ça m’a fait plutôt rire sachant que ça venait d’une personne qui a très peu expérience, qui sort une fois aux 2 semaines et qui se pense « hot » à cause de son beau gros bateau.
C’est donc dans le but de remettre les pendules à l’heure que je vais essayer de démystifier ce type d’embarcation car manifestement, les gens n’en n’entendent pas assez parler. J’essaierai donc de ne pas trop mettre l’accent sur la marque (et ce sera difficile) mais aussi de ne pas trop dénigrer les compétiteurs directs. Je ne voudrais pas que le message porte sur la marque du dit produit mais bien sur les avantages et bénéfices que ce type d’embarcation peut procurer à son utilisateur.
Qu’est-ce qu’un bateau « tiller »?
Un bateau « tiller », qu’on pourrait appeler aussi à conduite à barre franche, est une embarcation que l’on dirige directement à partir du moteur via la poignée de celui-ci. Toutes les commandes de direction et d’accélération se font directement à partir du bras relié au moteur. Ainsi, on peut manœuvrer de façon à accélérer, ralentir et changer de direction notre embarcation ne se servant que d’une seule main. Avec un bateau à console (à volant), pour faire la même manœuvre, on doit obligatoirement se servir de ses deux mains, l’une pour le volant et l’autre pour la manette des gaz par l’entremise de câbles ou systèmes hydraulique reliés au moteur.
Comme la conduite d’un bateau « tiller » est directe, les autorités Maritimes ont cru bon diminuer le nombre de HP sur les embarcations « tiller ». Ainsi, pour le même bateau, le maximum de puissance du hors-bord sera toujours plus élevé sur un bateau à console que sur un bateau « tiller ». N’allez pas croire qu’à cause de cela, les bateaux « tiller » n’existent que pour les petits formats d’embarcations ou de petites cylindrées. Il est possible depuis plusieurs années d’avoir la possibilité de mettre des moteurs 200hp sur des embarcations de type « tiller » d’une vingtaine de pied. Par contre, on doit obligatoirement avoir une assistance hydraulique pour les moteurs de 150hp et plus, ce qui enlève quelque peu la maniabilité d’une conduite à barre franche. Comme vous le voyez, il est faux de croire qu’une conduite directe n’est possible que sur une petite embarcation.
À l’inverse, ce n’est pas parce que vous avez un volant sur votre embarcation que c’est forcément considéré comme un bateau. Selon moi, la grande différence qui existe entre une chaloupe et un bateau est dans la méthode de fabrication. Un bateau a des poutrelles de plancher plus hautes et rapprochées comme structure qu’une chaloupe « habillée ». Cette dernière peut avoir l’apparence d’un bateau (avec un plancher et une plate-forme de pêche avant) mais n’aura pas un « frame » aussi robuste. Évidemment, cette différence affectera directement le comportement et la performance sur l’eau. On paie pour ce que l’on a dans la vie. Question de différencier les oranges des pommes, voici un exemple concret: la nouvelle version de mon bateau, le Lund Pro Guide 1775 (tiller) 17’9″ pèse 1225 lbs sans moteur. Si je le compare à la Lund 2000 Alaskan Sport (pare-brise complet) 20’6″, cette dernière pèse 1275 lbs sans moteur, il n’y donc qu’une différence de 50 lbs de plus pour l’embarcation qui a un volant. On parle pourtant ici d’une embarcation de 2’9″ de plus long! Pour ceux qui sont plus familiers avec les produits Princecraft, ça serait comme essayer de comparer la série Platinum à la série DLX. Ce sont deux gammes différentes en qualité et aussi au niveau du prix. Dommage pour Princecraft, ils n’ont malheureusement pas de « tiller » dans leur série haut de gamme.
Tout ça pour dire que ce n’est pas parce que votre embarcation a un volant qu’elle est considérée plus un bateau qu’une embarcation qui n’en n’a pas. Selon moi (et ça ne reflète que mon opinion et non celle de Lund Boat), ça devrait être la structure, le « frame » qui différencie un bateau d’une chaloupe. Le problème est qu’il y a une multitude de modèles et de variantes et qu’il n’y a pas vraiment de ligne précise pour les différencier. Il y des chaloupes qui se rapprochent d’avantage de la chaloupe traditionnelle (genre SSV) et d’autres qui se rapprochent d’avantages du bateau de par leur méthode de construction plus robuste (exemple Lund Alaskan). Alors cela peut devenir confus pour le commun des mortels. De plus, pour compliquer d’avantage la question, les méthodes de fabrications sont bien différentes d’une compagnie à l’autre et comme c’est souvent impossible de voir la façon dont c’est bâti, ça devient alors difficile de trancher. N’en reste que de comparer le poids et les spécifications demeure, à mes yeux, le meilleur moyen de se faire une idée à savoir si votre embarcation à du « frame » ou en a moins.
Même si au Québec les bateaux « tiller » ne sont pas très populaires, ce n’est pas du tout le cas chez nos voisins de l’Ontario et aux États-Unis. D’ailleurs, avant l’avènement des moteurs électriques pour la proue, le « tiller boat » était de loin le bateau le plus populaire des pêcheurs de doré. Je pense qu’ici, c’est tout simplement une question de marketing. Étant donné que dans les émissions de pêche au Québec, où l’on nous a toujours présentés des professionnels de la pêche au volant d’embarcations à console, les gens ont fini par croire qu’il doit y avoir un volant sur une embarcation pour que ce soit considérée comme un bateau…
Avantages
Alors pourquoi un « freak » de la pêche comme moi décide un jour d’aller à l’encontre de la vague populaire et d’opter pour un bateau « tiller »? La réponse : je suis un « freak » du contrôle! Étant donné qu’une grande partie de mon temps je le passe à suivre précisément les contours des structures à la traîne, je me dois d’avoir un contrôle d’embarcation le plus précis possible afin de présenter mon leurre de la meilleure façon possible. Ce qui peut être très difficile à faire avec un bateau console peut se faire avec une facilité déconcertante avec un bateau « tiller ». Le contrôle de l’embarcation est une chose que beaucoup trop de pêcheurs négligent et prennent à la légère. Lorsque qu’on fait de la pêche de structure (voir Aventure Chasse & Pêche automne 2014), il est primordial d’avoir un contrôle précis de l’embarcation pour présenter de la meilleure façon possible votre leurre à la bonne place sur la structure.
Un aspect important de la présentation d’un leurre que les gens semblent oublier est que vous pouvez donner de l’action à votre leurre pendant que vous tournez et accélérez (ou décélérez). Cette manœuvre est impossible à faire avec un bateau console, à moins que vous ayez un 3e bras! Pourtant, tous les bons pêcheurs savent très bien que ce sont les changements de vitesse et de direction des leurres qui provoqueront les attaques chez les poissons. Malheureusement, ces mêmes pêcheurs semblent oublier cette notion importante aussitôt qu’ils passent d’une chaloupe (à barre franche) à un bateau à console, préférant laisser les cannes dans les portes-cannes lorsqu’ils font des changements de vitesse et de direction. Ne pouvant pas tenir leurs cannes pendant ces manœuvres, ils n’auront pas non plus l’avantage de réagir rapidement lors d’une attaque. Ils ne pourront pas s’ajuster aussi rapidement lorsque leur leurre approche de la structure et la heurte. Avec notre canne dans notre main, on peut ralentir, changer de direction et lever notre canne pour éviter de s’accrocher à la structure (avec l’utilisation d’un « crankbait » par exemple). On devient beaucoup plus efficace quand on sent tout ce qui se passe dans l’eau avec notre canne et que, d’un autre côté, on conserve un contrôle exemplaire de l’embarcation. Les pêcheurs auraient intérêt à se concentrer d’avantage sur le contrôle de l’embarcation pour une meilleure présentation que sur la couleur du leurre…
N’allez pas croire que seuls les pêcheurs à la traîne ont un avantage à opter pour un bateau « tiller ». Les pêcheurs au lancer vont eux aussi y trouver un avantage certain. Allez et comparez les dimensions de plates-formes sur les bateaux: vous serez surpris des résultats. Pour vous donner une idée, mon bateau qui se trouve à être le modèle Pro Guide 1725 (tiller boat 17’3 pouces) de la compagnie Lund, a une plus grande plate-forme-avant que le modèle Pro-V 1975 (console boat 19’9 pouces) de la même compagnie. La raison est bien simple: les consoles prennent beaucoup d’espace et coupent en quelque sorte le bateau en deux, ce qui lui enlève facilement 2 pieds d’espace. Ce qui vient à dire que l’on peut avoir pratiquement le même espace de pêche dans un bateau « tiller » de 17 pieds et demi que dans un bateau à console de 19 pieds et demi!
Ce qui m’amène à parler d’un autre avantage. Le prix des bateaux n’étant pas à la baisse et le taux de change n’étant vraiment pas à notre avantage, il peut être assez intéressant de pouvoir acheter un bateau de moins grande dimension tout en ayant le même espace pratique pour la pêche. Un bateau moins gros nécessite un moteur moins puissant. Vous économiserez non seulement sur l’essence de votre bateau mais aussi sur celui de votre véhicule car vous n’aurez pas à tirer aussi pesant avec un bateau « tiller » de moins grande dimension qu’un bateau à console de plus grande dimension.
Un autre avantage aussi qui n’est pas à négliger est la position du conducteur d’une embarcation de type « tiller ». Comme il est placé très près du moteur à l’arrière du bateau, il est pratiquement collé sur le point de pivot de l’embarcation. Je m’explique : plus on est près du moteur, moins on se fait brasser. Contrairement à l’avant du bateau qui saute d’une vague à l’autre, l’arrière du bateau quant à lui, va toujours rester en contact avec la surface de l’eau à moins que vous décidiez d’aller vite au point de sauter d’une vague à l’autre…ce que je vous déconseille de faire. Étant donné sa position au milieu du bateau, le conducteur d’un bateau à console se fera toujours brasser plus que le conducteur d’un bateau « tiller ».
En résumé, tout ce que fait un bateau à console, le bateau « tiller » le fait encore mieux ou presque…selon mon point de vue! 😉
Désavantages
Même si je considère (pour mes besoins) que le bateau « tiller » est LA machine de pêche à avoir, je serais menteur de vous faire accroire que c’est le type d’embarcation qui convient à tout le monde.
Premièrement, je déconseille ce genre d’embarcation aux gens qui aiment faire de la plaisance. Même chose pour les pêcheurs qui ont de grandes distances à parcourir sur l’eau pour se rendre à leurs secteurs de pêche. Même si c’est beaucoup moins difficile que les gens pensent, tenir au bout du bras un 75 ou 90hp à plein régime pendant 30 minutes dans la vague de 4’ n’est pas très reposant. Aussi, dû au fait qu’il n’y a pas de console, on ne peut mettre un toit complet pour protéger les occupants des intempéries. En ce qui me concerne, je n’aime pas les toits et je suis loin d’en être un amateur. J’ai vu trop de personnes perdre des poissons trophées parce qu’ils ne pouvaient contourner leurs fameux toits. Je préfère de loin me payer un imperméable haut de gamme que d’investir dans un toit mais bon, certaines personnes priorisent le confort au reste. Si les bateaux « tiller » ont un défaut, je dirais donc que c’est au niveau du confort.
Côté pêche, s’il y a un type de pêche où je considère que le bateau à console est avantageux, c’est pour la pêche au downrigger. Avec ses côtés plus hauts et ses plats bords plus larges, le bateau avec un volant est mieux adapté. On est plus à notre hauteur quand vient le temps de faire les « set up ». Aussi, de par leurs conceptions, les bateaux à console prévus pour les grands lacs sont conçus pour maximiser l’espace à l’arrière. Un bateau avec les côtés élevés sera par contre désavantageux pour les pêcheurs qui préconisent la remise à l’eau de gros poissons tels que de maskinongés et esturgeons. Tenir un maskinongé dans l’eau, à bout de bras, plié en deux sur un plat bord trop haut peut devenir très désagréable même pour une personne qui n’a pas de problèmes de dos.
Évidemment, pour les amateurs de tournoi de pêche à l’achigan, ma super machine de pêche ne ferait jamais le poids. Ce qu’on veut en tournoi, c’est avoir beaucoup de puissance pour être le premier dans le secteur de pêche et avoir deux belles plateformes de pêche. Donc, on oublie le « Tiller Boat » pour cette application.
Comme vous voyez, à moins que vous ne fassiez qu’un seul type de pêche, le bateau parfait n’existe pas. Vous aurez à prioriser certains besoins au détriment de d’autres. Au même titre qu’un utilitaire sport ne sera jamais parfait pour tirer une roulotte et en même temps avoir une conduite sportive, votre bateau multi-espèce ne sera jamais parfait pour tout faire. Vous aurez donc certains compromis à faire : choisir le confort ou bien choisir une machine de pêche… ou quelque chose entre les deux!